La dot dans le Burundi ancien : Arrangement des parents à l’insu des futurs mariés

Culture

Les burundais ont prêté, dans le Burundi ancien, et prêtent encore aujourd’hui une attention particulière à l’éducation de leurs enfants. C’était une éducation qui préparait les enfants au mariage. ZenPlanet Magazine a recueilli pour vous les grands moments du mariage traditionnel qu’elle vous propose en séries.

David Tangishaka, professeur au Lycée Scheppers de Nyakabiga nous partage ici ses connaissances sur l’étape de la dot. L’octogénaire Immaculée Inamugisha (nom empruntée) nous relate aussi avec passion le fait de doter ou d’être doté par un inconnu, un phénomène qu’elle a, elle-même connu.

Jadis, ne pas connaître son futur époux ou épouse était la règle. Seuls les parents avaient le privilège de connaître leurs futurs gendres ou belles filles et gardaient jalousement le secret jusqu’au jour du mariage. Des fois, l’intermédiaire appelé communément « Umuranzi », qui donnait des renseignements sur la famille de la fille ou vice-versa, connaissait généralement les futurs époux.

Au pays de Ntare Rugamba, les jeunes garçons et jeunes fille se mariaient à l’âge de l’adolescence pendant l’époque précoloniale.

« Pour savoir que l’enfant est prêt au mariage, on le comparait avec d’autres enfants de sa génération ou on regardait quelques signes de la puberté. Pour le garçon, c’était notamment l’apparition de la barbe, des poils pubiens, le changement de la voix qui devenait un peu rauque. Pour la fille, on regardait le développement des seins, du bassin, l’apparition des poils pubiens », indique M. Tangishaka.

A part ces signes biologiques, les observateurs étaient surtout intéressés par le comportement des futurs époux. Est-ce que la fille est sage et polie ? Fait-elle convenablement les travaux ménagers, la propreté, la cuisine, les travaux des champs ?  Prend-t-elle soin de ses petits frères et sœurs quand sa maman n’est pas disponible ? Leur donne-t-elle de la nourriture ? Prend-t-elle soin du plus petit enfant quand sa mère est enceinte ? Le met-t-elle au dos, dorme-t-elle avec lui la nuit ? 

Pour le garçon, il fallait qu’il soit capable de faire les travaux de force, comme couper le bois de chauffage, chercher l’herbe pour les troupeaux, garder les vaches et les traire, cultiver.

Quand le père du garçon ne remarquait pas à temps que son fils a déjà atteint la maturité, le garçon pouvait le manifester soit en rentrant tard la nuit, soit en refusant de venir manger avec les autres. Du coup, le père du garçon entamait les démarches de chercher une épouse pour son fils.

Le rôle de l’intermédiaire (Umuranzi )

Umuranzi était une personne de confiance que le père du garçon choisissait pour qu’il aille chercher une épouse pour son fils. Il la cherchait dans des familles, desquelles il connaissait habitudes ou mœurs. Pour la connaître davantage, il pouvait passer chez elle pour lui demander de l’eau à boire, du feu pour sa cigarette, il pouvait même aller jusqu’à se déguiser en un visiteur

pour qu’il puisse y passer deux ou trois jours, en vue de l’observer davantage. Il rapportait  ensuite, toutes les informations au père du garçon afin qu’il aille demander la main de la fille pour son fils s’il l’appréciait. Si tout au moins, l’appréciation était positive

Par contre, si le père n’était pas satisfait, il pouvait vérifier lui-même ces informations que le commissionnaire (umuranzi) lui avait fournies. Cependant, le père du futur mari pouvait ne pas avoir besoin d’intermédiaire parce qu’il pouvait chercher cette épouse chez son ami ou son voisin. Dans ce cas, toutes les informations dont il aurait eu besoin, c’est lui-même qui les cherchait. S’il est satisfait des mœurs de la future belle-famille de son fils, il se préparait pour l’étape suivante.

La prédot (gusaba amarembo)

La prédot était un rituel où la famille du garçon allait se présenter chez la famille de la fille. Le père du futur mari, accompagné de ses amis et plusieurs pots de bière allaient chez la famille de leur future belle-fille pour se présenter en tant que la famille qui veut la main de cette dernière. Le père de la fille leur répondait qu’il va d’abord consulter sa famille pour pouvoir leur donner sa fille.

Mais, c’était une astuce pour que la famille de la fille puisse aller se renseigner sur leurs comportements, habitudes, et mœurs pour qu’elle ne donne pas son enfant à une famille qui n’a pas de dignité dans la société.

La remise de dot (Ugukwa)

Le jour de la remise de dot était décidé par consensus entre les deux familles le jour de la prédot. Ce qui n’empêchait pas que le père de la future mariée nie qu’il y a une fille à doter le jour de la remise de dot. Il le faisait en vue de manifester l’amour qu’il porte à sa fille et qu’il tient au bonheur de sa fille.

Les discours prononcés par les deux parties pendant la cérémonie de remise de dot étaient très philosophiques et sophistiqués pour agrémenter les cérémonies et manifester l’affection d’un côté et pour prouver la volonté, la détermination et la persévérance dans leur demande d’autre part. A la fin, le père de la fille acceptait solennellement cette union et le père du garçon présentait à son tour la dot. Cela pouvait être des vaches, des moutons, des houes en fer, du sel, des bijoux et colliers (imiringa, inyerere, intabonwa). Il était strictement interdit de doter une fille par une chèvre ou même de l’utiliser dans d’autres fêtes familiales.

« Quand j’ai été dotée, je ne connaissais pas mon prétendant, raconte Immaculée Inamugisha à ZenPlanet. Un certain mercredi, j’ai quitté la maison au moment où le bétail sortait de l’enclos pour aller brouter de l’herbe. A mon retour, quelques heures après, j’ai constaté qu’on avait rallumé le feu. J’ai demandé à quoi servait ce feu parce que le bétail n’était pas dans l’enclos et cette pratique destinée à éloigner les mouches qui piquent le bétail, et cela avait été fait le matin. On m’a répondue que c’était un ami de la famille qui était venu prendre un veau Ya Mwaka que mon père lui avait promis mais qu’il a préféré ajourner cette activité parce que le veau était encore très petit. On m’a cachée que le père de mon prétendant avait amené une vache pour ma dot que ma famille n’avait pas appréciée. Samedi, trois jours après, le père du garçon est retourné avec une génisse Ya Birenzi qui a été acceptée par ma famille. Encore une fois, des discours de dot ont été prononcés en mon absence. Quand j’ai vu la génisse dans notre cours, j’ai demandé d’où elle venait. On m’a dit que la mission de cette nouvelle génisse était

d’accompagner Ya Mwaka quand on viendra la prendre. J’y ai cru. Mais les voisines, filles de mon âge me disaient « Tu nous caches qu’on t’a dotée, nous qui allons t’accompagner le jour de ton mariage. Après quelques jours, c’était le mariage avec quelqu’un que n’avais jamais vu », conclut Immaculée, en souriant.

« Après la remise de dot, poursuit M. Tangishaka, le rituel suivant était celui de Kwarika umugeni, rituel qui consistait à enseigner à la fille comment elle allait se tenir devant son mari, la façon dont elle devra se comporter, comment elle allait laver son mari et lui appliquer de l’huile de vache communément connue sous le nom de amasoro et même comment elle va se préparer pour accueillir son mari. Ensuite se suivaient les préparatifs du mariage mais surtout du côté du garçon.

A suivre…

Ulysse Trésor MUHIRE  et Tite  IRADUKUNDA

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