Quel est le rôle des hommes dans la lutte contre les grossesses précoces chez les adolescentes et les jeunes au Burundi?

Genre

Au Burundi, il est de coutume que l’éducation de la fille incombe à sa mère. Quand la fille tourne mal, le blâme tombe sur sa mère. La fille devient l’enfant de papa, uniquement quand elle s’est bien comportée, sinon c’est l’enfant de sa mère. Et si l’adolescente tombe enceinte en dehors du mariage, tout le tort tombe sur sa mère, car reprochée et par le père et par la société, d’avoir mal élevé sa fille. Elles assument ainsi seules, toutes les conséquences psychosociales liées à la grossesse. Le comique est que le mauvais comportement du garçon, quant à lui, n’est jamais reproché à son père, mais plutôt également reproché à sa mère. Le plus souvent l’auteur de la grossesse chez la jeune fille n’apparaisse même pas et se réserve de ce qu’il a fait. Mais alors, comment comprendre ce fonctionnement culturel ? Est-il justifié que toute la faute tombe sur la mère uniquement quand les enfants se méconduisent ? Quelle serait la contribution de l’homme (père) dans la réduction des grossesses non désirées chez les adolescentes et les jeunes ?  

L’éducation de la fille, incombe et à sa mère et à son père

En tendant le micro à quelques parents des adolescents, de la capitale de Bujumbura, afin qu’ils nous partagent leur compréhension du sujet, des opinions tellement diversifiées sont ressorties, notamment sur le fait que c’est toujours la faute à la mère quand la fille se méconduit, ou quelle serait la contribution de son père.

  • Alphonse de Kanyosha, dit : « On a jamais vu une fille éduquée par son père. Elle est toujours éduquée par sa mère. C’est sa mère qui doit communiquer avec elle. Dans le cas où sa fille se comporte mal, c’est l’échec de sa mère, c’est tout.»
  • Emmanuel de Ngagara, nous dit : « Les femmes n’ont aucun autre rôle, que l’éducation des enfants. Je pense plutôt que le problème réside dans le comportement des mères. Si la mère est incapable de bien se comporter, comment elle pourra offrir une bonne éducation à sa fille ? On ne donne pas ce qu’on n’a pas. »
  • Zénon, de Kinama: « Non, ce n’est pas que l’homme soit mauvais. Sachez que lorsque sa fille tombe enceinte, dans ces circonstances, le père est profondément humilié. Seulement, il ne l’avouera jamais, alors, il râle contre la mère car il faut bien un bouc émissaire! Nous sommes aussi touchés, seulement, on a honte de l’avouer. »

Les opinions de ces trois hommes sont à l’image de ce qu’est la position de la société concernant le rôle de l’éducation des deux parents. Certains hommes ne s’impliquent pas dans l’éducation. Ils sont persuadés que leur charge se limite dans l’approvisionnement en argent et en nourriture de la famille, le reste du travail familial est pour la femme, alors que la responsabilité est partagée entre les parents dans leur rôle d’éducation de la jeune fille.

Ecoutons maintenant les pensées de certaines mères :

  • Immaculée, de Ngagara, dit: “Le fait de laisser à la femme seule, le rôle de l’éducation est complètement démodé. Nous devons nous entraider, car les enfants nous appartiennent à tous.”
  • Rose, de Kinindo, dit: “Pour que mes enfants m’obéissent, je dois leur mentir que leur papa est sur le point de rentrer. C’est pour vous dire que si le père épaulait dans l’éducation, même les filles n’oseraient aller vagabonder dans des choses inutiles.”

Les adolescentes tomberaient-elles enceintes, à cause des multiples préoccupations de leurs mères ?  

Il est vrai que la fille devrait être proche de sa mère, mais la vie chère dans les familles aujourd’hui, obligent également les mères à sortir gagner leur vie afin d’épauler dans la survie familiale. Les femmes étudient et peuvent acquérir les mêmes compétences que les hommes, et ainsi sont capables de faire le même travail à différents niveaux de responsabilités. C’est pour cela que l’éducation des enfants devrait être une tâche partagée entre père et mère. Que les hommes sachent à quel point leur rôle dans l’éducation des enfants est indispensable. D’ailleurs, étant le chef de famille, il devrait donner l’orientation de la conduite à suivre pour ses enfants.

Prétendre ne pas avoir du temps pour dialoguer avec les enfants, est souvent résultat du malaise qu’éprouvent les parents pour communiquer sur le sujet de la santé sexuelle. Car le sujet de la sexualité est encore perçu comme tabou au Burundi. Mais alors, ce manque de dialogue sur ce sujet si vital, augmente les risques de méconduites de la part des adolescents. Il a été prouvé que les adolescents ayant reçu cet échange avec leurs parents sont toujours plus outillés et plus prudents que les enfants qui ne l’ont jamais reçu.    (Propos recueillis auprès de  ZenPlanet Magazine)

La bonne relation père-fille, base pour une relation équilibrée avec les garçons

Il est vrai que les filles sont proches de leur mère, mais d’après certains psychologues, la bonne relation entre le père et son adolescente, serait une des protections pour qu’à l’avenir, sa fille ne tombe pas facilement sous le charme du premier venu qui la drague. Car cette relation lui procure une confiance en elle et une satisfaction qu’elle n’a plus besoin d’aller chercher à combler dehors. Bref, cette relation lui procure un équilibre émotionnel. Elle pourra être capable d’avoir une relation mesurée avec les autres hommes sans se laisser dominer facilement.

  • « Un père est le premier homme dans la vie d’une fille. Leur relation est très importante dans son développement émotionnel et relationnel avec les autres hommes. Si un père offre assez d’attention et d’amour à sa fille, celle-ci aura du mal à vivre une relation émotionnelle et sentimentale sans contrôle, avec les autres hommes. Voyons un autre exemple, une fille abandonnée par son père ou qui ne l’a jamais connu. Tu la verras toujours se coltiner des hommes et garçons plus mûrs qu’elle, car c’est en fait le visage du papa qu’elle recherche. » (Dr Fabiola).

Certains hommes et garçons de mauvaises fois enceintent  les jeunes filles et détestent qu’ils ne sont pas auteurs de la grossesse, mais il ne devrait pas être le cas, en cas de grossesse l’auteur devrait assumer la responsabilité et gérer la question ensemble avec la jeune fille. Au lieu de demander à la fille d’avorter  la grossesse, l’homme pourrait permettre à la fille de mettre au monde le bébé, l’aider dans les soins médicaux et autres besoins avant et après l’accouchement. Après sa naissance, l’homme aurait bien encore faire  enregistrer l’enfant dans les services de l’Etat civil sous son nom.

Que faire pour que le rôle des garçons et des hommes soit suffisamment visible dans la lutte contre les grossesses non désirées chez les adolescentes et des jeunes ? 

D’après Bosco, un éducateur en santé sexuelle et reproductive:

  • Les méthodes contraceptives doivent être enseignées également aux garçons et aux hommes.
  • Les garçons et les hommes doivent être sensibilisés sur l’importance du respect de la fille et de la femme.
  • Que certains garçons et les hommes abandonnent la mauvaise habitude de contraindre les adolescentes à des rapports sexuels non consentis.
  • Qu’avant tout rapport sexuel, l’homme ou le garçon se rassure de la période de la fille, qu’elle est dans la période de fécondité ou pas, pour éviter de contracter une grossesse non désirée
  • Se rappeler d’utiliser un préservatif pour se protéger contre les grossesses non désirées et les maladies sexuellement transmissibles.
  • Que la grossesse non désirée de leur adolescente ne soit plus un sujet de litige entre les parents et qu’ils ne traumatisent point leur fille. Plutôt qu’ils cherchent ensemble des solutions afin d’éviter à leur fille de retomber dans la même faute, et contracter une autre grossesse, suite à la grande colère du père déversée sur la mère.
  • Savoir que le rôle de l’homme va toujours avec le rôle de la femme. Eviter des relations de culpabilisation envers l’autre. Si on veut promouvoir la masculinité positive, on devra aussi promouvoir la féminité positive. L’une ne va sans l’autre. Il faut un équilibre pour que la société marche.”

D’après Dr Fabiola, psychologue:

  • « Que les hommes s’impliquent plus dans l’éducation de leur fille, pour qu’elles aient un équilibre dans la construction de leur personne.
  • Il faut un vrai partenariat entre les parents, afin de donner à leurs enfants une éducation de base complète axée sur la vie et le respect de la vie humaine.
  • Les garçons et les hommes doivent assumer les conséquences de leurs actes et ne plus renier les grossesses survenues lors des rapports sexuels vécus avec ces adolescentes.
  • Le regard d’un papa est d’un grand secours pour la fille tombée enceinte. Même le garçon aura honte de renier la grossesse car il verra que la fille est soutenue.
  • Qu’il y ait cohérence et entente dans l’éducation que donnent les parents car souvent le comportement des enfants résulte également de la cohésion de la relation entre leurs parents.
  • Que la communication en famille soit instaurée.

 

Pour conclure, le genre masculin doit comprendre que leur rôle dans l’éducation de leurs enfants, garçons ou filles, est primordial”.   

 

Article écrit par ZenPlanet Magazine sous financement de RHRN (Right Here Right Now), en collaboration avec ABUBEF, Mai 2023              

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