Les grands moments du mariage traditionnel (suite) Conversation avec David TANGISHAKA

Culture

Le mariage dans le Burundi traditionnel comprenait des rituels, faits et gestes qui avaient une grande signification dans la vie conjugale et relationnelle. Interdiction au Papa de dire au revoir à sa fille qui va se marier et d’assister aux cérémonies de son mariage, un cadeau d’une vache offerte à la mariée afin d’entrer chez ses beaux-parents, kugera imbavu, la signification du chalumeau coupé les deux côtés (pour la fille trouvée non vierge), guhuhana imbazi, etc.

 

Selon David Tangishaka, professeur au lycée Scheppers de Nyakabiga, la tradition burundaise interdisait au père de la fille de la voir quitter la maison familiale le jour de son mariage, l’accompagner ou assister aux cérémonies de son mariage.

Le jour du mariage de sa fille, le Papa partait pour un endroit inconnu pour ne revenir qu’après le départ de sa fille. Cette dernière quittait la maison familiale la nuit, en compagnie de ses invités, (les bashingizi), les notables, les filles de sa génération, ses frères et sœurs, ses amies, ses tantes, les voisins et voisines à destination de la famille de son fiancé.

Tout ce beau monde traversait des kilomètres, des rivières et ruisseaux à pied, en  chantant et en dansant sur les chants de mariage durant tout le trajet pour que la future mariée ne se sente pas seule. Malgré cela, la fille était toujours triste d’avoir laissé derrière sa famille et redoutait la nouvelle vie dans une famille étrangère à elle.

Arrivés chez la famille du marié, tous les invités étaient accueillis chaleureusement. On leur servait à boire et à manger. La mariée restait elle, à l’extérieur de l’enclos familial de sa belle-famille. Elle ne pouvait pas entrer chez ses beaux-parents avant qu’on lui offre Inka y’Irembo (une vache que le beau-père de la fille lui donnait en guise de cadeau pour l’accueillir dans sa maison).

La future mariée n’entrait pas directement dans la maison de son futur époux. Elle était accueillie chez son beau-père. Les raisons de cette attente étaient multiples. Primo, c’était pour vérifier si c’est réellement la fille qu’ils ont dotée, et secundo, c’était pour terminer de donner la dot au cas où elle n’aurait pas été donnée en totalité.

Philosophiques et pleins d’intrigues à la manière de la culture burundaise, des discours étaient prononcés par les représentants des deux familles. Le premier discours était prononcé par le père du marié pour accueillir ses hôtes. Puis, un notable (Umushingantahe) qui représente la délégation du côté de la fille prenait la parole à son tour pour exprimer des remerciements suite à l’accueil chaleureux.

Vers la fin des discours, deux filles étaient choisies pour aller allumer le feu dans la maison des mariés afin de réchauffer la maison.  En passant par l’arrière-cour, deux ou trois autres femmes conduisaient la mariée chez son mari déjà installé dans sa maison. Elles repartaient juste après, laissant les mariés seuls.

 

Kugera imbavu

Les mariés procédaient ensuite à un rituel appelé kugera imbavu. Il s’agissait de placer un petit enfant sur le lit, au milieu des deux mariés, côte à côte.  Ce petit rituel avait une très grande signification de souhaiter la fécondité aux époux afin qu’ils donnent naissance à des enfants de tous les sexes. Après kugera imbavu, suivait l’autre rituel qui n’était pas aussi négligeable de guca ince.

La séance d’enlever Ince était d’enlever les vêtements de jeune fille que portait la mariée.

D’après toujours le Professeur Tangishaka, Ince était l’ensemble des habits que la fille portait depuis la maison de son père. Quand la mariée arrivait dans la chambre de son mari, ce dernier lui enlevait les habits qu’elle portait pour lui donner des nouveaux vêtements dit vêtements de jeune mariée ou impuzu z’ubugeni en kirundi. Ces habits enlevés (ince) étaient donnés aux bashingizi qui avaient le devoir de les remettre à la mère de la fille.

 

Pourquoi ramener Ince à la maman ?

Ce rituel était pour la rassurer que sa fille est vraiment mariée. De plus, il arrivait que les mariés se battent pendant ce rituel de Guca Ince.

Que dit Prof Tangishaka à ce comportement ?

« C’était très incompréhensible pour la fille du Burundi ancien, dit-il, d’être déshabillée pour la première fois par un garçon qu’elle n’avait jamais vu, en plus dans un endroit inhabituel ! »

En outre, M. Tangishaka fait remarquer que « Guca ince » avait une double signification. La première signification déjà dite en haut, guca ince signifiait aussi dévierger la fille. Cela veut dire que les deux rituels ou actions se suivaient. C’est-à-dire qu’après avoir envoyé Ince chez la mère de la fille, le deuxième rituel de guca ince suivait. Le lendemain, venait le rituel suivant nommé Guhuhana imbazi.

 

La perte de la virginité et l’impuissance, des causes d’annulation du mariage

Guhuhana imbazi, un jour après les cérémonies de mariage, avait quel rôle ? Guhuhana imbazi était un rituel très significatif. Parce que c’est le jour où toute la vérité devait être connue. Si le mari constatait que sa femme n’était pas vierge ou si la femme trouvait que son mari était impuissant, c’était un malheur à toute la famille concernée.

Si le mari cassait le secret, la honte tombait sur la famille de la femme. C’était le même cas pour l’homme constaté impuissant. Les deux étaient proclamés « mariés », s’ils ne présentaient pas ces imperfections.

 

Mais comment les familles arrivaient-elles à connaître la vérité ?

Très tôt le matin, le lendemain du mariage, la famille de la femme envoyait une équipe des femmes qui venaient se renseigner auprès du nouveau foyer. Elles y allaient en apportant imbazi (poudre) que les mariés vont utiliser dans cette action de guhuhana imbazi (se soufflaient l’un à l’autre cette poudre).

Ces femmes demandaient au jeune marié comment leur première nuit de noce s’est passée. L’homme répondait seulement en quelques mots nasanze ari umushike koko (le terrain était encore vierge), dans le cas où la fille était vierge. Dans le cas contraire, il répondait nasanze zaronye (le champ a été rongé) et dans ce cas, il appartenait au garçon de prendre la décision qu’il va continuer ou non avec elle. S’il refuse de vivre avec elle, le mariage était annulé, la dot remise et on envoyait directement à la maman de la fille une bière dans un pot avec une paille coupée en haut et en bas pour lui dire que le mariage de sa fille a été annulé. Et elle était directement renvoyée chez elle.

La même question était posée à la jeune mariée pour qu’elle dise, à son tour, comment elle a trouvé leur nuit de noce. Si elle a bien trouvé son homme, elle répondait ainsi : « Nabiriwe n’umugabo koko » (Je suis mariée à un homme viril) et au cas contraire elle répondait : « Nabiriwe n’umugore nkanje » (Je suis mariée à une femme comme moi). Elle aussi, pouvait refuser de vivre avec ce mari si elle l’a trouvé impuissant. Mais la fille ne quittait pas directement la maison du garçon, elle attendait quelques jours avant de partir et elle ne disait à personne qu’elle allait partir.

Sinon, si les deux étaient satisfaits de leur union, le mariage était consommé et la fille s’asseyait sur les cuisses de son frère et le garçon sur les cuisses de sa sœur. On leur donnait imbazi mélangé avec l’eau, de la bière ou avec du lait en fonction des préférences de la famille et ils buvaient cela et après l’un crachait sur l’autre cette eau. Par ce rituel, ils voulaient en fait leur souhaiter de toujours s’entraider dans leur vie conjugale et enfin ils étaient proclamés mari et femme.

 

Ulysse Trésor MUHIRE et Tite IRADUKUNDA

 

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